VREF aires

Conférence VREF Göteborg 2018 : « Quel avenir pour les aires de livraison ? »

Antoine Etudes, Logistique urbaine Leave a Comment

En quoi consiste la Conférence VREF à laquelle nous avons contribué en octobre 2018 ?

 

Traiter le besoin de « concevoir l’espace et gérer les flux pour des villes plus agréables à vivre », c’est l’ambitieux défi qu’a relevé la 3ème Conférence de la « Volvo Research and Educational Foundations (VREF) ».

 

Organisée à Göteborg (Suède) sur trois jours (du 17 au 19 octobre 2018), cette conférence s’impose déjà comme un rendez-vous incontournable des spécialistes internationaux de la logistique urbaine. Pour preuve, lors de cette dernière édition, une centaine de communications étaient proposées après sélection du jury, et pas moins de… 200 participants.

 

La force de l’initiative ? Croiser une approche scientifique du sujet avec les points de vue des autorités publiques, opérateurs de transport, chargeurs, urbanistes, architectes…

 

Par des restitutions de travaux de recherche sous la forme de présentations orales ou posters, un premier travail a permis de mettre en avant les enjeux actuels de l’intégration du fret en milieu urbain.

 

Des sessions de présentations, tables rondes et ateliers visaient ensuite à phosphorer sur les solutions et innovations prospectives pour imaginer la logistique urbaine de demain.

 

Pour accéder à l’ensemble des travaux et restitutions, c’est ici ! 

 

VREF aires

 

Nous avons restitué à cette occasion notre travail exploratoire mené sur l’un des élément clé du système de fret urbain, mais de notre point de vue qu’il convient aujourd’hui de repenser : l’aire de livraison.

 

Voici quelques grandes lignes des résultats de nos réflexions…

 

Le modèle d’« aire de livraison » est-il encore adapté aux challenges de la livraison du dernier kilomètre ?

 

Face aux exigences croissantes des destinataires d’être livrés « n’importe où, n’importe quand », les aires de livraison sont rarement localisées au bon endroit.

 

Il est en outre peu fréquent que leur signalétique et marquage au sol soient aux normes[1] et qu’elles soient bien dimensionnées, par rapport notamment à la diversité des approvisionnements (gabarits des véhicules, horaires de livraison…) qui varient d’un tronçon de rue à l’autre, selon le type d’établissements implantés.

 

Ces aires sont par ailleurs (trop) souvent illégalement occupées par des véhicules particuliers.

 

Aires occupées par des véhicules particuliers

Figure 1 : Dans nos audits, le taux d’aires de livraison d’un centre urbain non-conformes en termes de marquage au sol, signalétique et dimensions s’élève souvent à 75% des aires d’un centre urbain en général.

 

Le constat réalisé s’applique à la France comme à la plupart des pays européens.

 

Corrélés à des livraisons toujours plus nombreuses et rapides, ces dysfonctionnements engendrent des opérations de chargement et déchargement sur le trottoir ou en double-file qui impactent la sécurité du trafic et contribuent à la congestion aux heures de pointe. D’après le CEREMA (2015)[2], seulement 1/3 des livraisons en ville sont réalisées sur des emplacements autorisés.  

 

Si des solutions ont été étudiées, expérimentées voire pérennisées pour faire face à ces dysfonctionnements (sanctuarisation ou partage des aires, système de capteurs ou bornes…), elles n’ont pas encore entraîné de bouleversement du fonctionnement urbain.

 

C’est ce constat qui nous a conduit à mener un travail exploratoire sur le sujet, dont nous avons présenté les résultats à Göteborg.

 

Celui-ci se base sur le travail mené depuis plus de 20 ans par notre bureau d’études pour l’optimisation du système de livraison, en particulier dans les centres urbains. Nous avons réalisé des entretiens complémentaires auprès de plusieurs villes européennes, de professionnels du transport et de représentants de Polices Municipales, qui nous ont permis de confirmer le besoin de repenser le modèle d’« aire de livraison » et de définir les grands principes qui selon nous devront permettre d’en bâtir un nouveau.

 

Quels principes pour la construction d’un nouveau modèle ?

 

Garantir de la flexibilité au sein d’un cadre réglementaire clair

  • Définir des règles simples et faciles à contrôler qui constituent un « standard », puis analyser les exceptions au cas par cas.
  • Considérer les usages plutôt que le type d’acteurs (par ex. privilégier les disques bleus limitant la durée autorisée plus que la professionnalisation des aires).
  • Etendre la dépénalisation du stationnement aux aires de livraison, pour adapter la verbalisation selon la pression constatée. Une dizaine de communes de la région bruxelloises ont mis en place depuis 2012 une amende de 100€ en cas d’occupation illicite d’une aire de livraison.

 

Etendre le partage de l’espace public

Plusieurs collectivités ont déjà expérimenté ou mis en œuvre le partage des aires de livraison ou de lignes de bus (Paris, Barcelone…).

Comment aller plus loin ?

  • Utiliser les capacités des places de stationnement et aires laissées libres durant certains créneaux de la journée (les aires de livraison sont souvent sous-utilisées l’après-midi par ex.)
  • Etendre le partage aux places de stationnement.
  • Considérer les voies de circulation et places de stationnement comme une unité pouvant être partagée : autoriser la livraison en double-file sur certains tronçons / créneaux horaires.

Goulet Louise à Bruxelles aires

Figure 2 : Exemple du « Goulet Louise » à Bruxelles où les livraisons directement sur voirie ont été autorisées en dehors des heures de pointe

 

Apporter des services sur les espaces d’accueil des véhicules

Cela vise à inciter à leur utilisation par les professionnels.

Quelques exemples inspirants :

  • A Utrecht (Pays-Bas), des espaces dédiés aux livraisons de produits frais sont équipés d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques.
  • A Bologne (Italie), des espaces au sein de la zone piétonne font office de « micro-hubs » et disposent de capacités de stockage avec possibilité pour le destinataire de venir retirer sa marchandise.
  • Paris expérimente des solutions pour faire de certaines aires des « micro-hubs » pouvant accueillir un véhicule de type porteur (base logistique mobile), d’où seront effectuées des livraisons en véhicules légers ou modes doux.

 

Les nouvelles technologies en soutien d’un futur modèle

Les technologies émergentes visant à améliorer le fonctionnement des aires (capteurs, bornes, applications, caméras…) sont nombreuses et présentent un intérêt indéniable.

 

Les retours d’expérience des collectivités en la matière restent toutefois encore contrastés, notamment parce que l’implantation de ces solutions doit se faire en visant avant tout à répondre aux besoins des opérateurs et agents de contrôle sur le terrain, en évitant « l’effet gadget ».

 

Qu’en est-il de la fonction de « réservation » des aires ?

De nombreuses collectivités s’interrogent sur la pertinence de cette fonctionnalité. Mais les effets des tests réalisés restent mitigés à ce stade (incompatibilité avec les aléas des tournées de livraison liés notamment aux difficultés circulation, complexification de la planification, réticence générale des acteurs…).

 

Stockholm réfléchit à une option de réservation « juste-à-temps », soit lorsque le chauffeur-livreur se trouve à quelques centaines de mètres de l’aire.

 

L’importance de la concertation et de la communication

La définition d’un nouveau modèle ne fonctionnera que si elle se base sur une démarche de co-construction avec l’ensemble des acteurs du transport de marchandises, privés et publics.

 

Un premier pas : intégrer un schéma des aires de livraison dans les stratégies globales de planification urbaine

Les aires de livraisons sont souvent implémentées « au coup-par-coup », sans approche globale et sans intégration aux réflexions sur l’aménagement de la voirie et du stationnement.

Etablir un « Schéma Directeur des Aires de Livraison » est un premier pas pour initier l’amélioration du modèle. Cette démarche consiste à :

  • Diagnostiquer les approvisionnements du centre urbain.
  • Auditer le maillage existant et identifier les besoins en aires (nombre, taille, localisation, mise en conformité).
  • Définir les principes d’aménagement et travaux à réaliser pour implémenter la nouvelle offre.
  • Mettre en place un cadre réglementaire et des moyens de contrôle afin de garantir l’efficacité du système.

 

SD Aires de Livraisons

Figure 3: Notre bureau d’études a réalisé le « Schéma Directeur des Aires de Livraison » de plusieurs centres-villes (Nancy, Orléans, La Rochelle, Neuville-sur-Saône) ou agglomérations (Valence Romans Déplacement).

 

Pour en savoir plus sur la démarche, cliquez ici !

 

La définition d’un nouveau modèle prendra du temps, car elle nécessite de repenser la planification urbaine dans son ensemble. Mais ce travail est selon nous indispensable pour garantir à terme la bonne intégration du transport de marchandises dans nos villes.

 

 

Alors, quel sera selon-vous le modèle de gestion des livraisons en centre-ville demain ?

 

 

[1] L’instruction interministérielle sur la signalisation routière du 31/07/2002 décrit les principes de signalisation obligatoires et facultatifs pour les aires de livraison. Le Guide technique d’aide à l’implantation et au dimensionnement des aires de livraison du Certu réalise des préconisations techniques complémentaires en terme d’aménagement.

[2] CEREMA (2015), La logistique urbaine : connaître pour agir, Collections Références, CERTU, 2014 pages.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

sept − 2 =